Trou d'air ou chute libre ?
– Retour sur l’année 2022 –
Pour tous ceux qui sont proches de l’activité commerciale en matière d’immobilier, la fin d’année 2022 a fait ressurgir des inquiétudes comme celles ressenties lors des crises précédentes. L’image du pied sur le frein est dans tous les esprits, et les chiffres confirment malheureusement cette tendance.
-22 % sur les ventes de l’année
C’est la baisse constatée des réservations nettes entre 2021 et 2022 sur la région. Cette baisse est entamée depuis le début de l’année mais la rupture est criante sur le dernier trimestre avec une baisse de 51 %. En valeur absolue, c’est 4 264 réservations nettes sur la région, en dessous du minimum constaté sur l’année 2020.
L’interrogation qui est dans tous les esprits est de comprendre pourquoi nous en sommes là. Car enfin, l’année 2021 était déjà bien agitée avec des préoccupations légitimes, comme je les rappelais dans mon édito d’il y a un an : « L’évolution de la pandémie, la mise en route du vaccin, la géopolitique, les questions d’énergie et de matériaux, l’activité du commerce mondial… ».
Certaines de ces préoccupations ont certes été remplacées par une situation inédite en Europe depuis 70 ans, mais qui était déjà à l’état larvaire en 2021. L’inflation, la remontée des taux bancaires et son corollaire l’effet du taux d’usure sur bien des dossiers peuvent sans doute expliquer une partie de la situation. Et pour acheter, les acquéreurs doivent avoir confiance dans l’avenir, le sujet de la réforme des retraites peut de ce point de vue jouer le trouble-fête. Enfin, les évolutions concernant le dispositif PINEL sont aussi de nature à moins favoriser ce type de vente en fin d’année.
En restant les yeux posés sur l’activité commerciale, le coup de frein est encore plus prononcé sur certains marchés. C’est le cas de la CARENE, où par le jeu de désistements importants, le dernier trimestre est en négatif, l’année se terminant sur l’un des plus mauvais scores historiques à 265 VN.
Sur l’ensemble de la région, c’est la vente à investisseurs qui est le plus à la peine avec une baisse en volume de 29 % alors qu’elle n’est « que » de 15 % pour les ventes à propriétaires occupants. Cette évolution met sur l’année 2022 les 2 destinations de ventes quasiment à égalité.
5 451 logements mis en vente sur l’année
Du coté des mises en ventes, on constate aussi une baisse de l’activité (-6 % sur l’année). Nous sommes loin des 7 300 logements peu ou prou mis en vente en 2016. Cette baisse est d’ailleurs concentrée sur la Loire-Atlantique (21 %) et le Maine et Loire (- 14 %). Les autres départements étant tous en progression pour les mises en ventes.
Cette répartition d’activité peut se lire aussi en fonction des zonages : les mises en ventes régressent de 27 % en zone B1 et progressent de 33 % en zone B2 et de 119 % en zone C.
Il est aussi intéressant de voir les évolutions sur les ventes selon la même grille de lecture : elles régressent de 31 % en zone B1 et de 4 % en zone B2 alors qu’elles progressent de 24 % en zone C. Certes les volumes ne sont pas les mêmes, la zone C ne représentant que 8 à 10 % des ventes et mise en vente.
De même un regard sur les ventes à investisseurs toujours selon la grille de lecture du zonage : elle baisse de 38 % en zone B1 et de 6 % en zone B2 alors qu’elles progressent de 124 % en zone C. Les réservations à propriétaires occupants baissent sur toutes les zones.
15 mois d’écoulement de l’offre
Quelles sont les conséquences de ces variations sur l’offre disponible ? Sans trop de surprise, elle progresse à plus de 5 400 logements sur la région. En volume nous ne sommes pas loin du chiffre de fin 2016, et entre ceux de fin 2019 (4 117) et de fin 2014 (6 300). La remontée du volume conjuguée à la baisse des ventes nous refait passer au-delà des 12 mois d’écoulement en fin d’année, situation que nous n’avions pas connue depuis 2014.
Sur l’ensemble de la région, l’offre avant travaux en collectif redescend à 2 150 logements (43 % de l’offre), l’offre en travaux progresse significativement à près de 2700 appartements, valeur supérieure à la moyenne des 9 dernières années. L’offre livrée ne représente que 129 appartements, en progression par rapport au 3 dernières années, mais loin des presque 500 logements fin 2015. De ce point de vue, la situation reste très saine pour l’instant.
En répartition géographique, l’offre progresse de 21 % sur ALM, mais compte tenu de de la bonne dynamique du marché angevin, l’écoulement y est reste encore proche de 12 mois. En revanche, si l’offre est stable à Nantes et Saint-Nazaire par rapport à fin 2021, l’écoulement bondit à plus de 17 mois et 20 mois respectivement sur les deux agglomérations.
Concernant les prix de vente à l’échelle de la région, la tendance reste à l’augmentation : + 3 %. L’augmentation est plus forte sur presque toutes les agglomérations : + 4 % sur la CARENE, + 6 % à Nantes Métropole et Angers Loire Métropole, presque 15 % à Laval et au Mans. Il faut noter que ces augmentations de prix se concentrent plus sur les petites surfaces. Par ailleurs, la hausse plus modérée des prix à l’échelle régionale (à comparer de celles des agglomérations) traduit une évolution de la géographie des ventes. En effet, la part de la métropole nantaise dans les ventes régionales est passée de 62 % en 2016 à 38 % en 2022.
Enfin l’indicateur de pouvoir d’achat immobilier OLOMA, qui suit en euro constant le remboursement mensuel d’un prêt sur 25 ans pour 1 m² en collectif libre sur Nantes Métropole est à la hausse pour revenir à presque 25 €. Alors que nous étions passés à moins de 19 € en 2016. Mais finalement la valeur d’aujourd’hui est équivalente à celle de 2011. Même avec l’augmentation des taux, les financements restent efficaces pour gommer la hausse des prix.
Cela étant, les conditions de financement restent plus complexes pour nombre d’acquéreurs, pour des raisons liées au taux d’usure et au plafond du taux d’endettement. Ces deux dispositifs sont censés protégés les acquéreurs, malheureusement d’eux-mêmes, mais pas de façon justifiée. La Banque de France confirme une baisse en 2022 des dossiers de surendettement de 7 % par rapport à 2021, qui prolonge une tendance baissière amorcée depuis 8 ans. Leur nombre a été divisé par 2 depuis 2014. Les taux de défaut de remboursement des prêts immobiliers restent aussi très faibles dans notre pays, notamment grâce à des taux fixes.
Il nous reste à comprendre ce qui concoure à l’évolution des ventes, pourquoi ce coup de frein, alors même que les besoins de logements sont patents, plus encore dans la métropole centre de notre région qu’ailleurs. C’est pourtant là que la production de logements neufs est le plus à la peine, il suffit de constater l’écart entre le PLH et les logements commencés sur les 3 dernières années, 2022 étant sans doute la pire avec moins de 55 % de l’objectif. Pour mémoire le PLH préconise de construire 6.000 logements chaque année, OLOMA de son côté estime que le niveau se situe plutôt à 7.500 logements. La tension sur le marché locatif va se poursuivre et l’ancien sur la métropole ne va sans doute pas baisser. Les autres territoires vont aussi être touchés par cette situation par effet de (possible) report.
L’ancien, parlons-en quelque instants. L’année s’est terminée par un record de transaction : plus de 1 110 000 ventes, un peu moins qu’en 2021, mais bien au-delà des valeurs historiques. L’ancien connait aussi sur la fin de l’année un fort ralentissement. Mais les notaires n’hésitent pas à parler d’accalmie après l’euphorie, en rappelant que le marché reste solide. Les prix de l’ancien poursuivent leur progression, particulièrement en zones tendues. A ce sujet il n’est pas inutile de préciser que sur une échelle de temps de 5 ans, en Loire-Atlantique les prix des maisons et des appartements ont progressé respectivement de 38 % et 45 %* alors que dans le même temps pour le neuf (logements collectifs libres, hors dispositif aidés) la progression n’a été que de 22 %. Toujours sur 5 ans à Nantes, l’ancien progresse de 52 % pour les appartements et 63 % pour les maisons. Le neuf progresse quant à lui de 34 %.
Ce décalage entre les évolutions du neuf et de l’ancien s’explique par la constitution d’un prix différent pour les deux marchés : pour le neuf celui-ci est directement lié à l’augmentation de ses composantes : prix du foncier et surtout coût des travaux. Pour l’ancien, il s’agit d’une comparaison au marché, qui reste en forte demande.
Mais l’augmentation de l’ancien sur les villes centres pèse aussi sur l’augmentation des prix du neuf. En effet la reconstruction de la ville sur la ville, une obligation nécessaire à la tenue de la trajectoire ZAN, se nourrit de la reconversion de biens existants dont les prix progressent fortement comme on l’a vu.
L’année 2023 démarre avec plein d’interrogations : inflation, hausse des taux bancaires, évolution du conflit en Ukraine, mutation énergétique, urgence climatique. Comment vont réagir les acquéreurs dans les mois à venir, retrouveront-ils l’envie et les moyens d’acheter dans le neuf, production indispensable à l’équilibre des territoires ?
Lors de nos conférences de début d’année, des experts seront là pour analyser la question du financement des particuliers mais aussi les nouvelles façons de concevoir des projets dans un environnement comme celui que nous connaissons.
Pour éclairer le débat, notre association qui vient de publier un ouvrage intitulé Urgence(s) logement, disponible sur le site OLOMA (https://oloma.fr/edition)
Un dernier mot concernant le logement neuf : dans mon édito début 2022 je disais que celui-ci « doit impérativement se sortir des blocages qu’il connaît à tous les niveaux et retrouver sa dynamique », cette injonction reste malheureusement d’actualité, car la production de logements est dans le temps long.
Bertrand MOURS, Président
Sauf exceptions mentionnées dans le texte, les variations exprimées dans cet édito s’entendent en comparaison de la même période un an plus tôt. Les prix sont donnés hors stationnement et hors dispositif d’aide, rapportés à la surface habitable du logement.
(*) Chiffres publiées par la chambre des notaires de Loire Atlantique janvier 2023.
